musique arabo-andalouse (partie 2)

Publié le 29 Mars 2008



Expression

Maroc




Au Maroc, cette musique est aussi appelée el ala (l'instrument) pour le répertoire profane et samaa pour le répertoire religieux. La musique andalouse est un des pilliers de l'identité marocaine et, en raison des évolutions socioculturelle historique et économique, cette musique est relativement différente de celle du reste du Maghreb.


En effet, celle-ci connaît des influences diverses : arabo-andalouses, berbères, juives et africaines en raison de la migration d'africains au Maroc au XVIe siècle. Considérée actuellement comme une musique noble, elle est surtout très présente au sein de l'élite marocaine formée en grande partie par les citadins d'origine arabo-andalouse issus des cités tel que Fès, Rabat, Salé, Marrakech, Safi, Tétouan, Tanger, Ksar Kebir, Oujda, Taza, Meknès, etc.


Chacune des formations issues de ces cités se revendique d'une école musicale spécifique ayant comme référence une cité andalouse précise. Ainsi, la musique andalouse fassie se revendique de Tolède et Cordoue, ce qui fait d'elle la gardienne de la mémoire du courant classique. L'école de Rabat et Salé se caractérise par sa filiation à la ville de Séville et au courant de
Ziryâb, la tarab al-gharnati de Grenade.


Au cours du XXe siècle, plusieurs hommes influencent et font évoluer ce qui s'appelle au Maroc al-ala al-andalousia:
Haj Abdelkrim Raïs et Bouzoubaae pour la ville de Fès, Bajedoub et Mohamed Briouel pour la ville de Safi, Lhaj Pirou pour la ville de Rabat et Abdesadek Chekara pour Tanger.

 


Créé en 1946, l
Orchestre arabo-andalou de Fès est l’un des plus anciens et des plus importants de la musique andalouse marocaine. Sa première mission est de restituer la musique dans son cadre traditionnel et sa forme historique authentique. Pour cela, seuls les instruments à cordes sont utilisés. Grâce à l'enregistrement de quatre noubas pour le label discographique Erato, l'Orchestre a largement contribué au développement de la musique traditionnelle marocaine.


Le répertoire andalou au Maroc se présente de nos jours sous la forme de onze grandes suites ou noubas qui comportent des pièces instrumentales et vocales. Chacune d'elle est interprétée sur un mode (tab') qui donne son nom à la nouba [15] :

  1. Nouba raml-mâya
  2. Nouba ushshâq
  3. Nouba isbahân
  4. Nouba gharîbat al-husayn
  5. Nouba rasd
  6. Nouba rasd al-dhîl
  7. Nouba hijâz al-mashriqî
  8. Nouba irâq ajam
  9. Nouba istihlâl
  10. Nouba hijâz al-kabîr
  11. Nouba mâya

Chaque de ces dernière est construite en 5 mouvements (mizân) comportant chacun un rythme de base et suivant un principe d accélération progressive :

  1. Mizân Basît
  2. Mizân Qâ im wa-nisf
  3. Mizân Btâyhî
  4. Mizân Darj
  5. Mizân Quddam


Du fait de sa longueur (jusqu' à 8 heures de musique), une nouba est rarement jouéee dans son intégralité. Cette forme peut donc être considérée comme étant à géométrie variable, le chef de l'ensemble ayant pour rôle de choisir et d'agencer les différentes pièces (san'a) de manière harmonieuse.

 

 



Algérie

Implantée par les Andalous exilés en Afrique du Nord après la chute de l’ultime royaume de Grenade, en 1492, la musique arabo-andalouse a été préservée au Maroc, en Tunisie, en Libye et en Algérie, dans des villes promues au rang de véritables cités-conservatoires, comme Alger, Constantine, Blida, Bedjaïa et Tlemcen.[16]

 

Trois grandes écoles constituent la musique andalouse algérienne : Musique gharnati à Tlemcen[17], le ça'naa à Alger et le malouf à Constantine et Blida qui a su garder un cachet spécifique pour la musique andalouse. Dahmane Ben Achour demeure la référence. Mohamed Khodja dit Dziri et son neveu Farid Khodja permettent de continuer cet art transmis de père en fils comme pour les Benguergoura. El Besseri,Abdelmoumène Bentobal, Kessoum et, surtout, Rachid Nouni, rajouteront à ce cachet de ville de musique aux côtés des balbutiements du théâtre. Mohamed Touri, Farida Saboundji, Abderrahmane Setofe surnagent devant l'inconscience des responsables pour la préservation de cet art. Des festivals de musique andalouse se déroulèrent durant les années 1996, 1997 et 1998...

 


Tunisie

Le malouf tunisien occupe dans la tradition musicale tunisienne une place privilégiée car il comprend l'ensemble du patrimoine musical traditionnel et englobe aussi bien le répertoire profane (hazl) que les répertoires religieux (jadd) rattachés aux liturgies des différentes confréries. Il recouvre toutes les formes de chant traditionnel classique : le muwashshah, genre post-classique dont la forme se détache du cadre rigide du qasideh classique, le zéjel qui s'apparente au muwashshah mais fait surtout usage de la langue dialectale, et le shghul, chant traditionnel « élaboré ».



Libye

Le malouf lybien est un genre musical devenu rare et isolé, on y trouve parmi ses représentants l’Ensemble de Malouf de la Grande Jamahiriya, une structure musicale dirigée par Hassan Araibi.



Discographie sélective


D'après Frédéric Lagrange, le domaine le plus notable de l'avancée du travail de recherche français par rapport aux publications anglo-saxonnes réside en l’édition phonographique. En effet, les enregistrements de musiques savantes et de musiques populaires, délaissées par l’industrie du disque arabe, qui se concentre sur la variété, et les rééditions d’archives 78 tours sont, depuis la fin des années 1980, une spécialité française. Non seulement les courants les plus variés des musiques arabes y sont présentés à un large public, mais les livrets accompagnant les CD, souvent fort longs et fort savants, mériteraient presque d’être ici cités, tant ils font parfois autorité dans leur domaine [18].

  • Música Andalusi, Escuela de Rabat, Orquesta de la Radio Televisión de Marruecos, Mûlây Ahmed Lúkílí, Msháliyya l-Kbíra, Grabación año 1962, Btáyhi r-Rásd, Grabación año 1958, Madrid, Pneuma, 1998.
  • Música Andalusi, Escuela de Tetuán-Tánger, Orquesta del Conservatorio de Tetúan, Mohammed Ben Arbi Temsamani, Qá'im Wa Nisf Al Istihlál, Grabación año 1960, Madrid, Pneuma, 1999.
  • Música Andalusi, Escuela de Fez, Orquesta Brihi, Abdelkrim Rais, Qyddám Al-Máya, Cantor Muhammed Jsásí, Madrid, Pneuma, 2000.


Entre mai 1989 et février 1992, le Ministère de la Culture marocain a coproduit, en partenariat avec la Maison des Cultures du Monde à Paris, l'Anthologie al ala : 73 disques compacts totalisant plus de 81 heures de musique et de chant et couvrant la totalité du répertoire connu des 11 noubas[19].

 

Voir aussi

Pour approfondir ses connaissances

 

  • Barrios Manuel, Gitanos, Moriscos y Cante Flamenco, Séville, RC 1994.
  • Benabdeljalil Abdelaziz, Madjal ilâ târîj al-mûsîqâ al-magribiyya (Introduction à la musique marocaine), Casablanca, s. éd., 2000.
  • Chailley Jacques, Histoire musicale du Moyen-Age, Paris, PUF, 1950.
  • Cortes García Manuela, Pasado y Presente de la Música Andalusí, Sevilla, Fundación El Monte, 1996.
  • Fernandez Manzano Reynaldo, De las Melodias Nazari de Granada a las Estructuras Musicales Cristianas, Diputación Provincial de Granada, 1985.
  • García Barriuso Patrocinio, La Música hispano-musulmana en Marruecos, Madrid, Publicaciones des Instituto General Franco, 1950.
  • Guettat Mahmoud , La Musique classique du Maghreb, Paris, Sindbad, 1980.
  • Guettat Mahmoud, La Música Andaluí En El Maghreb, Sevilla, Fundación El Monte, 1999.
  • Christian Poché, La Musique Arabo-Andalouse, Paris, Cité de la musique, Actes Sud, 1998.
  • Nadir Marouf, (dir.), Le chant arabo-andalou, Paris : L'Harmattan, 1995.
  • Pierre Bois, L'Anthologie al-Âla du Maroc. Une opération de sauvegarde discographique., in Internationale de l'imaginaire, vol. 4 : « La musique et le monde », Paris, Babel, Maison des cultures du Monde, 1995, pp. 75-90.
  • Paolo Scarnecchia, Encyclopédie de la Méditerranée, Musiques populaire, musique savante, série Temps Présent, Edisud, 2003
  • Fethi Zghonda, Tunisie. Anthologie du mâlûf, vol. 4, éd. Maison des cultures du monde, Paris, 1993
  • Mokhtar Hadj Slimane : "Recueil d'informations élémentaires sur la musique andalouse à Tlemcen", publié en avril 2002.[20]
  • J.Azzouna, Evolution de la musique arabe jusqu'au Zajal, Ibla. Revue de l'Institut des Belles-Lettres Arabes Tunis,1977, vol. 40, no140, pp. 213-241.
  • thèse de doctorat inédite Los moriscos españoles emigrados al norte de Africa, después de la expulsión. Traduction de l’extrait par J. et C. Penella, révision de M. de Epalza et J. Servage.
  • Mohamed Saïd Zerouala, Introduction à la Musique Andalouse, fascicule édité à l’occasion du Festival Culturel International du Malouf 2007.



Notes et références de l'article


  1. Plusieurs termes existent pour désigner cette musique dans son ensemble, comme d’andalou-maghrébin, de musique classique andalouse, d’arabo-musulman, d’hispano-arabe...
  2. Pendant plus de huit siècles aussi bien en Andalousie qu'au Maghreb, les trois religions du grand Livre (juive, chrétienne et musulmane) se sont côtoyées, et chacune d'elles possédait sa propre culture musicale : les Romances pour la tradition séfarade, les Cantigas de Santa Maria pour la tradition chrétienne, et les Chants arabo-andalous pour la tradition musulmane. Ce fut une des périodes les plus fécondes de l'histoire de l'Europe, un métissage culturel d'une grande richesse
  3. le mot "El-Andalous" était donné par les arabes pour toute la région regroupant aujourd'hui l'Espagne et le Portugal soumise au moyen âge à la domination musulmane, c'est la péninsule réunissant ces 2 royaumes, située entre les latitudes 36° et 43° Nord. "El-Andalous" est un mot extrait de "Andalucia" de son origine "Vandalucia" en rapport avec les Vandales, un peuple berbère qui peuplait cette contrée au Vème siècle.
  4. La musique arabo-andalouse in Musical
  5. La musique, proscrite par le Coran au même titre que le vin ou toute forme de représentation anthropomorphique ou animale, était particulièrement florissante en Al-Andalus grâce au mécénat des émirs, des princes et des califes.
  6. L'Année cruciale est un terme employé de l'historiographie espagnole pour désigner le fameux an de grâce 1492.
  7. Durant l’expulsion générale et définitive en 1609, l’expulsion des Moriscos de Valence fut la première ; Elle fut réalisée en un temps record et acheminée dans une seule direction : l’enclave espagnole d’Oran et les ports d’appui d’Arzew et Mostaganem, d’où les Moriscos furent presque immédiatement filtrés vers les royaumes de Fez et de Tlemcen.
  8. Interview de M.Hichem Achi, ethnomusicologue
  9. Carlos Paniagua
  10. Le califat de Cordoue, bastion des Omeyyades, et le royaume de Grenade, en Espagne, furent le siège du rayonnement culturel de la civilisation islamique andalouse.
  11. L'histoire du Maroc et de l'Espagne arabo-andalouse sont intimement liées. De nos jours encore, les échanges culturels, musicaux et artisanaux entre l'Espagne et le Maroc sont de loin les plus importants d'Afrique du Nord. Des statistiques espagnoles récentes ont estimé à près de 5 millions les descendants marocains des arabo-andalous contre quelques milliers dans le reste des autres pays du Maghreb.
  12. Le professeur Abdelaziz Benabdeljalil est un musicologue, membre de l'Académie de la Musique Arabe, ayant déjà écrit plusieurs livres fondés sur des recherches dans le domaine musical, il dirige également le conservatoire de Meknès.
  13. Rôle et Image de la Femme dans la Musique Andalouse par Ouafaâ Bennani
  14. La musique arabo-andalouse par Caroline LEDRU
  15. LLa musique arabo-andalouse par Caroline Ledru étudiante en DEA de musicologie à Paris-IV Sorbonne sous la direction de François Picard
  16. Tlemcen andalouse, Sud Planète portail de la diversité culturelle
  17. Cette école a eu une grande influence sur l'évolution culturelle de l'Algérie. Elle a joué un grand rôle dans la promotion du patrimoine musical algérien par la création de nombreux cercles et associations qui assurent l'enseignement et la conservation de la musique classique algérienne.
  18. Frédéric Lagrange pour Culturesfrance (l’opérateur délégué des ministères des Affaires étrangères et de la culture et de la communication pour les échanges culturels internationaux.)
  19. Ministère le culture du Maroc
  20. Ministère le culture du Maroc


Articles connexes

 


Liens internet

Conférence du Professeur. Dwight Reynolds La tradition poétique et musicale andalouse au Moyen Age entre "influences" et "hybridation"

Rédigé par Mario Scolas

Publié dans #Musique arabo-andalouse

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A
Bon article, mais, dangereusement, plein d'erreurs et de fautes conceptuelles. Prière d'en réviser le contenu. Je suis disposé à y contribuer.<br /> Amicalement,<br /> Amin
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L
<br /> <br /> bonjour ! C'est avec plaisir que cet article puisse être revu ! Mille merci !<br /> <br /> <br /> <br />
P
La recompilation textuelle de la Musique Andalouse <br /> <br /> --------------------------------------------------------------------------------<br /> <br /> Vers la fin du 18ème siècle, le Sultan du Maroc Sidi Mohamed Ben Abdellah, homme de lettres et de culture, désirant voir les textes des noubas recompilés dans un recueil unique, choisi le théoricien et maître musicien Mohamed Ben Houssein Al-Hayek Tétouanais Andaloussi pour ce travail. Le recueil demeure jusqu'à nos jours la référence incontestée dans le domaine. Plusieurs copies manuscrites en ont été réalisées au cours des deux derniers siècles, dont la plus ancienne (sans doute l'une des originales) se trouve dans la bibliothèque de l'historien Mohammad DAOUD à Tétouan. Le manuscrit en question a été édité par l'Académie du Royaume du Maroc en 1999. L'étude a été confiée à Malik BENNOUNA, spécialiste d'Al-Haiek. Le recueil contien, à part les textes de toutes les sanâas avec l'indication de le mètrique, des poètes et du nombre des mesures rythmiques, une introduction historique et thèorique.
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