Le oud arbi et le kwitra selon le Dr Mahmoud Guettat
Publié le 9 Mars 2014
Oud ‘arbi (le luth maghrébin): c’est incontestablement l’instrument le plus important du répertoire classique. On le retrouve dans les orchestres de la musique –Malouf- de l’école de Constantine (Algérie) et en Tunisie avec différents accordages. Il diffère du luth oriental (oud charqi) par ses proportions, son matériau de fabrication son accord et le nombre de ces cordes. La caisse piriforme de l’instrument, plus étroite, bombée et portes douze à vingt côtes de bois très fin (de noyer ou d’érable) collés à bord ou séparés par des filets de bois violet. La table est en bois de chêne renforcé par de larges contre-éclisses extérieurs lui permettant aussi de résister à la tension des cordes, aux changements de températures et aux chocs du plectre. Le manche court et plat, actuellement sans ligatures, se tenant par un chevillier faisant avec lui un angle d’environ 50° comportant huit chevilles en bois : quatre en haut et quatre en bas. A l’extrémité de cet angle, entre le manche et le chevillier se trouve le sillet par-dessus lequel passent quatre cordes doubles, faites de boyau, pincées à l’aide d’un plectre. Ce dernier consiste, depuis la rénovation de Ziryab, en une plume d’aigle débarrassée de son bout corné, de ses bardes et coupée en deux dans le sens de la longueur. Durant le jeu, le luth est tenu horizontalement sur les genoux, dos contre le musicien et le manche légèrement dirigé vers le haut ou vers le bas selon l’exécutant. Le plectre passe entre le médius et l’index (ou sur le coussinet des quatre doigts) de la main droite, son extrémité inférieure est rabattue en forme d’épingle à cheveux et maintenue serrée plus au moins fort selon le jeu, entre le pouce et l’index. D’après les mesures effectuées les rapports existants entre les différentes proportions du luth sont combinés de telle sorte que la note émise à l’intersection de la caisse et du manche devait être pour le luth maghrébin à un intervalle de sixte majeur (rapport 5/3) par rapport à la note émise par la corde à vide. Tandis que le luth oriental ce rapport est de 3/2 = quinte juste. L’accord du luth maghrébin varie selon le mode de la pièce jouée et diffère de celui du luth oriental. L’échelle du luth maghrébin sans démanchement dépasse à peine une octave. Bien que les luths maghrébin et oriental jouent un rôle à la fois mélodique et rythmique l’accord du luth maghrébin lui donne une technique de jeu et un timbre particulier qui sont bien différents de ceux du luth oriental. En effet, l’accord du luth maghrébin, lui permet d’utiliser le plus possible de cordes à vide, d’avoir plus facilement les accords parfaits et leurs renversements. Tout en exécutant la mélodie sur la deuxième corde, le musicien peut en même temps et dans un tempo assez rapide, pincer les bourdons : 1ère, 3ème et 4ème corde, sans aucune gêne. Comme si l’accord de l’instrument visait avant tout à faciliter l’exécution des ornements verticaux. Tandis que le jeu du luth oriental est essentiellement monodique et n’utilise ces ornements qu’avec réserve et dans un tempo plus lent. Là est la différence essentielle des deux instruments. Le luth maghrébin avec sa construction plus robuste et ses cordes plus tendues, possède une sonorité plus intense et plus brillante ; faisant de lui un instrument d’accompagnement de plein air et de groupe. Quant au luth oriental, avec sa construction plus raffinée, ses cordes plus relâchées et son accord de quartes successives est un instrument de soliste et de virtuose capable d’ajouter à son jeu essentiellement monodique une variété extraordinaire de nuances et d’ornements.
Kwitra. Cet instrument typiquement Algérien, se trouve surtout dans les écoles de la çana d’Alger et du Gharnati de Tlemcen. La Kwitra ressemble beaucoup au oud ‘arbi. Le dos de sa caisse, plus petite et moins profonde que celle du luth, est fait de dix côtes environ, de bois léger. Sa table est constituée d’un assemblage de lames plates en bois léger (d’érable ou de sapin). Elle a le milieu ajouré dont le dessin représente souvent un vase fleuri. Sur les bords, autour, entre la table et le corps de la kwitra, il y a une bordure de cuir parcourue par un ornement en découpé, plus foncé que le corps et qui joint le manche. Ce dernier se termine par un chevillier fixé obliquement et contenant, le oud ‘arbi, huit chevilles. Les deux premières d’en bas pour les deux cordes jumelles (les plus aigues) ; les deux premières d’en haut aux deux cordes de la note suivante ; les deux secondes d’en bas pour les cordes de la 3ème note ; les deux secondes d’en haut pour les cordes de la 4ème note. Ces quatre cordes doubles passent sur un sillet, en os, fixé entre le manche et le chevillier et se prolongent sur la table pour rejoindre le cordier. Ce dernier consiste en une pièce ayant la forme d’une de moustaches dont les extrémités sont recourbées et sur lequel est collée une règle de bois percée de huit trous accouplés deux à deux où sont fixées les cordes. Les cordes de la kwitra sont aussi en boyau et pincées à l’aide d’un plectre en plume d’aigle passé entre l’index et le médius de la main droite et maintenu par le pouce et l’index quant à l’instrument, il est tenu, durant le jeu, sur le genou droit, le dos serré contre le musicien et le manche incliné légèrement vers le bas. L’accord de la kwitra ressemble à celui du oud ‘arbi. Il varie également selon le mode musical de la pièce joué. La quatrième corde appelé jawab ( écho ou réponse) sert presque souvent de renforcement. Parmi les doigts de la main gauche, seul l’index et l’annulaire sont utilisés, le médius n’intervient que si le mode possède une tierce mineure (par rapport à la corde vide). Ex : La = index, Si bémol = médius et si béccar : annulaire. L’auriculaire n’intervient jamais.
Sources: - La musique classique du Maghreb - Mahmoud Guettat, éditions SINDBAD.