Salim Halali et la musique judéo-maghrébine

Publié le 20 Avril 2008

D'une prestance remarquable, il est décrit comme un cosmopolite, polyglotte, humaniste et universel qui brassait des fortunes, a fini ses jours dans l’anonymat et la déchéance. "Ya hasra aâla douk liyyam!"  "Moi, je suis d’un pays et d’une race étrange, je n’ai pas d’horizons, de frontières à mon cœur, le chant d’une guitare et puis mon âme change Je n’ai plus de parents Ici je n’ai que des frères et des sœurs de cœur…Mon pays c’est l’amour et j’aime avec outrance les enfants des faubourgs...

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Salim Hilali (né Shlomo ou Simon Halali le 30 juillet 1920 à Bône - décédé en juillet 2005 à Nice) est un interprète de musique de variétés. Il influencera des générations d'artistes judéo-arabes comme Sami El Maghribi. Il est l'auteur et interprète des célèbres chansons comme "Mahani Zine Ya Laamar", "Mine Al Barah Wa Lyoum", "Al Aïn Zarga", "Mounira Ya Mounira". Des chanteurs et des musiciens qui ont été formés à son école ont tous rejoint la RTM au début de l'indépendance et ont constitué la base de son orchestre. De grands artistes marocains, comme Hajja Hamdaouya, Omar Tantaoui, Latifa Amal et Saddika ont été formés par lui. Ses chansons font désormais partie du répertoire de la chanson populaire marocaine. Il chantait indifféremment en français, en espagnol, en dialectes marocains, tunisiens et algérien de l’est.

Biographie

Il nait le 30 juillet 1920 à Bône (Annaba), à la frontière algéro-tunisienne au sein d'une famille de boulangers Juifs, originaires de Souk Ahras qui est le berceau d'une des plus grandes tribus Chaouia, les Hilali. Son père est d’origine turque et sa mère (Chalbia) une judéo-berbère d’Algèrie.

En 1934, à 14 ans, il quitte sa famille pour traverser la Méditerranée et se rend à Marseille. A l’occasion de l’exposition universelle de 1937, il monte à Paris pour y débuter une carrière de chanteur de charme espagnol.

Sa rencontre avec Mohamed El Kamal (de son vrai nom: Mohamed Hamel) qui était comédien, chanteur, auteur et compositeur était décisive. Musicien de music-hall à Paris. Mohamed El Kamal figure parmi les premiers algériens à s'attaquer à la musique moderne. C'est lui qui a composé les premières chansons de Salim Halali comme Andaloussia, rit ezzine, arjâ lebladek etc...

Mahieddine Bachtarzi intègre le jeune Salim a troupe dite la "troupe Mahieddine" qui avait pour activités : le théâtre burlesque et la chanson de variétés.et participe à des tournées avec cette troupe. 

C’est à Paris que Salim Halali rencontre Mohammed Iguerbouchen, fondateur du Cabaret Al Jazair, rue de la Huchette, et génie de la musique, qui lui composa des morceaux à sa mesure. 

Son étoile ne cessa de briller depuis. Ses disques connaissent des ventes record et deviennent, dans l’effervescence des années 1940, "la coqueluche des radios d’Alger, Tunis, Rabat et Tanger qui passaient, en boucle, ses chansons…", se souvient Nina Banon, l’une des premières journalistes marocaines de radio Tanger.

En 1940, il échappe à la déportation nazie grâce à l’intervention de Si Kaddour Benghabrit, qui était Ministre plénipotentiaire au Maroc sous le protectorat et également nommé premier recteur de la grande mosquée de Paris qui lui délivre une attestation de conversion à l’Islam au nom de son père et fait graver le nom de ce dernier sur une tombe abandonnée du cimetière musulman de Bobigny !

Kaddour Benghabrit l’engage ensuite au café maure de la mosquée où il s’est produit en compagnie de grands artistes tels Ali Sriti et Ibrahim Salah ! Kaddour Benghabrit est certes un "Alem", docteur en foi, mais aussi un grand mélomane. En tant que  oudiste et violoniste, Mohammed V le désigna membre de la délégation marocaine au premier Congrès de la  musique arabe du Caire de 1932 qui furent des moments de rencontres fructueuses entre les spécialistes de divers horizons et  susciter des études comparatives à partir de différents répertoires et des publications d'enregistrements musicaux.

En 1947, il crée à Paris le cabaret oriental qui s'appelle Ismaïlia Folies dans un hôtel particulier qui appartenait à Ferdinand Lesseps (ingénieur du canal de Suez ), situé dans la prestigieuse avenue Montaigne. Ceux qui l’ont fréquenté se souviennent de ses folles soirées à clientèle huppée à l’instar d’un roi Farouk d’Égypte, de sa cour et des stars comme Mohammed Abdel Wahab et Oum Kalsoum. En 1948 il en crée le Sérail, rue Colisée.

Au sommet de sa carrière, il s'installe au Maroc en 1949, dans l’ancienne Médina de Casablanca, il se présente au Coq d’Or, un prestigieux music-hall oriental de l'ancienne médina et qui attirait de nombreux touristes à l'époque. "Le Coq d'Or" avec six salons décorés de draperies tissées d'or et de meubles Louis XV authentiques était l'un des plus somptueux cabarets du monde de l'époque où se sont produits avec des artistes prestigieux comme Mohamed Fouiteh, Hajja Hamdaouia, Maâti Belkacem, Line Monty, Blond Blond, Lili Boniche, Chafia Rochdi, Latifa Amal, Warda Al Jazairia, Raoul Journo...Des témoignages évoquent les paroles d'une chanson Et l'on m'appelle l'Oriental, et pourtant je ne fais pas de mal...[1]

Ce fut l’époque de la convivialité et de la symbiose judéo-arabe, évoquées avec nostalgie par Mohamed Maradji dans son livre "Salam Shalom", publié dans les années 1970. En ami, il sauvegarde la mémoire iconographique de l’artiste et possède, comme relique, l’une de ses fameuses darbouka.

Salim Halali ne quitte le Maroc qu’au début des années 1960 pour s’installer en France sur la Côte d’Azur.

En 1970, il se lance dans une carrière en France, investit dans de ruineux studios faisant venir les meilleurs musiciens du monde arabe, se produit à la salle Pleyel avant de se retirer, une deuxième fois, à Cannes pour se consacrer à sa passion d’antiquaire, de collectionneur de tapis persans, bibelots et autres objets d’art...

Au Maroc, bien qu’il ne passait plus à la radio, le souvenir de son séjour reste intact au fin fond de la mémoire de ceux qui l’ont fréquenté, aimé, écouté et Dieu sait s’ils sont nombreux.

Les témoignages évoquent son grand cœur, et sa générosité d'une grande largesse. Salim donnait tout ce qu’il possédait jusqu'à, ses vêtements et ses bijoux. Il gâtait ses musiciens et offrait, à chaque fête de l’Aïd el Kebir, un camion de moutons aux pauvres de l’ancienne Médina.

Une fois, il anima un gala au cabaret Rissani actuelle place d’armes, place Mohammed V à Casablanca.

Il débarqua avec quelques tableaux de valeurs qu’il mit en vente aux enchères. Un gros bonnet de la place fut le premier à lever la main pour la première toile annonçant le chiffre de cinq millions de centimes. La réplique de Salim, ses colères sont mémorables, fut cinglante. "Que dieu maudisse la religion de ta mère. Toi, fils d’un tel, propriétaire des sociétés X et Y, tu ne donnes que cinq millions ! Tu n’as pas honte ? Pour si B. ça sera vingt-cinq millions. Adjugé !". Il passa ainsi la soirée à plumer les bourgeois de Casablanca au profit du Croissant Rouge Marocain.

Une légende raconte que cheb Khaled est allé le voir, accompagné de son imprésario, pour lui acheter les droits de l’une de ses chansons. Il eut cette réponse, "Tu mets le prix que tu veux. Une fois fixé, tu le divises en deux. 50% pour les orphelins des musiciens algériens et le reste pour le centre où je finis mes jours. Moi je ne veux pas d’argent." Interloqué par une telle seigneuriale offre, à laquelle il ne s’attendait pas, le roi du Raï démontra sa générosité.

Une fois, Albert Kakon, son voisin de l’ancienne Médina et ancien client , devenu par la suite l’un de ses amis intimes, débarqua au Coq d’or vers vingt-trois heures pour s’y retrouver nez à nez avec un seul client ! Une soirée de perdue pour le prestigieux établissement. Salim, en colère, lança au personnel, "fermez la porte et n’ouvrez plus à personne, même pas au Pape. Ces messieurs sont mes invités". Il les rejoint à table et passèrent la nuit à siroter, à l’œil, du bon Whisky et à l’écouter, accompagné du luth, leur chanter ya lil ya aïn ...

Ainsi fut Salim Hilali : Un artiste total, esthète, décalé et hédoniste. Ce cosmopolite aux identités multiples, a fini ses jours, début juillet 2005, dans l’anonymat et l'indigence, dans un hospice de Vallouris près de Nice. 

Le chanteur algérien Akim El Sikameya, à la voix de haute contre, aussi puissante qu’ambiguë, lui rend régulièrement hommage.

Discographie

Source

Liens internet

 

Rédigé par Mario Scolas

Publié dans #Salim Halali, #Musiques algériennes, #musique judéo-maghrébine

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G
Il n'y a pas de musique qui s'appelle musique "judéo-arabe", ce que vous appellez musique "judéo-arabe", c'est la musique Algérienne, chantée par des Algériens de culture Algérienne!<br /> <br /> Si cette musique était arabe, les autres arabes l'auraient chantée(ce qui est loin d'être le cas). De même, si c'était une musique juive, les Juifs des autres pays l'auraient chantée aussi(et ce n'est pas le cas). Donc, une musique qu'aucun Arabe ou juif en dehors de l'Algérie ne connait ou chante est devenue par miracle, musique "judéo-arabe". Deuxio, 80% des chansons de Salim Hallali lui ont été écrite et composée par des artistes virtuoses Algériens et les 20% restants, c'est essentiellement des chansons du patrimoine algérien et deux ou trois chansons tunisiennes!<br /> <br /> Il faut mettre les points sur les "i" et appeller un chat...un chat!<br /> Salim Hallali est Algérien qui chante de la musique algérienne, alors, trêve de manipulation avec des sobriquets du genre: le chanteur maghrébin Salim Hallali, machin ou musique "judéo-arabe" truc muche!
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L
<br /> Salim Halali was one of the most beautiful voices in the Maghreb, irrespective of<br /> musical genres. Today, youngsters sometimes<br /> hum some of his hit songs, made famous by L'Orchestre National de Barbes (Dour Biha Ya Chibani) or La Mano Negra (Sidi H’bibi), yet they have no idea who the original interpreter<br /> was.<br /> <br /> <br /> Born on the 30th of July, 1920 into a Jewish Berber family of bakers,<br /> Salim first dreamt of a career as a Spanish singer. When he arrived in Paris in 1934, after a detour in Marseille, he started with a repertoire of sevillana (notably influenced by the Italian-French singer Rina<br /> Ketty, the famous interpreter of the song J'attendrai) and his honeyed voice did not go unnoticed. He then<br /> decided to put his talent into the musical heritage of the Maghreb, starting in the largest cinema theatre in Marseille before touring in other French cities.<br /> <br /> <br /> Salim would have disappeared in the Nazi night and fog if<br /> he hadn't been saved by the intervention of the Paris Mosque rector. Salim resumed his musical career after the Liberation, and once again his majestic vocal cords, his pelvis movements and his<br /> darbouka seduced and aroused people, setting dance floors on fire in oriental night clubs. In 1947, a famous and wealthy man (a top album seller in Maghreb song style and the most sought-after<br /> artist for wedding celebrations amongst the rich in the Arab world), he bought Ferdinand de Lesseps’ private mansion in avenue Montaigne and turned it into a luxurious night club, which he named<br /> Ismaïlia Folies. The following year, he opened Le Sérail. But the loss of his brothers and sisters broke down these enthusiastic impulsions.<br /> <br /> <br /> Wounded and discouraged, he took refuge in Morocco where<br /> he was warmly welcomed. There, Halali enjoyed many years of happiness, sharing his time between successful albums and stage performances until 1965, when he retired. He lost all his properties in<br /> little known circumstances and he ended up his life, impoverished, in an old people’s home.<br /> <br /> <br /> There remain his songs and his voice – a voice you never tire of.<br />
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L
<br /> "Granada Love - 3ochk Gharnati " Un titre hommage a Salim Halali signé YOUNES B<br /> janatte Haddadi<br /> YOUNES B rend hommage à la légende SALIM HALALI.<br /> <br /> ‘’Granada Love - 3ochk Ghranati ‘’ La nouvelle production de Younes B en featuring avec la voix du gitan maghrébin Feu Salim Halali.<br /> Une rencontre de deux générations dans toutes ses ampleurs, « Pour que la légende ne s’éteint jamais… » Younes rend hommage au libertin de la chanson arabo andalouse à l’occasion son 91ème<br /> anniversaire.<br /> Granada Love une expédition vers l’Andalouse vers Gharnata, avec l’un des mawawils mythiques de Salim et les sonorités électroniques atypiques de Younes.<br /> Un titre de 3’’38 en version radio ,et 5’’00 en version clubs , redonne la vie à la voix de l’auteur des plus grands chefs d’œuvres maghrébins , de son répertoire atemporel , Younes a choisi le<br /> mawal « Flamenco » , attiré par la voix de Salim , sa maestria d’enfiévrer ses notes , sur une quasi infinités de gammes .<br /> ‘’ Un magicien, une exception…Un grand artiste que les prochaines générations doivent connaître ‘’Autre fois adulé par son public et toujours présent dans le répertoire musical de nos fêtes.<br /> Younes a pris l’initiative de lui rendre hommage, l’impatroniser à cette nouvelle génération dans un cadre avant-gardiste. Même si Salin nous a quitté mais sa voix est toujours présente avec nous,<br /> aujourd’hui sur un fond électronique, le gitan crée l’exception encore une fois comme il faisait autre fois.<br /> Un nouvel opus du prochain album de Younes B, un album qui a pour thème les musiques du Maroc et du Maghreb, de toutes ses régions, ses différentes écoles et artistes qui ont enrichi notre<br /> patrimoine musical. Un album qui promet être inouï.<br /> Granada Love – 3ochk Ghranati à la mémoire de Salim Halali.<br /> <br /> <br />
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S
<br /> la chanson " mahani ezzine " a été enregistrée par Saoud EL wahrani, en 1925.<br /> <br /> <br />
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S
<br /> Dans le passage incriminé, il est dit que " Mahieddine bachetarzi l'initie à la musique arabo-oriental, l'intègre à la troupe el moutribia ".<br /> Primo: Mahieddine Bachetarzi n'a rien à voir avec la musique arabo-oriental. C'est un spécialiste de la musique classique algérienne et particulièrement le répertoire de l'école d'alger appelé "<br /> çanaâ ".<br /> <br /> secundo: El MOUTRIBIA n'est pas une troupe mais une société musicale qui pratique la çanaâ algéroise.<br /> <br /> <br /> tertio: l'apprentissage de la musique classique algérienne est une entreprise de longue haleine qui dure des années et des années . le classique est un art au sens propre du terme.On ne peut pas<br /> intégrer el moutribia sans être spécialiste de la çanaâ et salim halali n'a pas eu de formation dans ce domaine contrairement à lili Boniche qui a été initié à cet art alors qu'il n'était qu'un<br /> petit enfant. A quinze ans, il passait déjà à la radio.<br /> <br /> Ils ont fait une confusion entre el moutribia qui fut présidée par Bachetarzi (après la mort de yafil ) et la " troupe Mahieddine " qui n'a rien avoir avec la musique classique. Bachetarzi s'est<br /> beaucoup intéressé au théâtre et en première partie de ses représentations théâtrales, on laissait la place aux chanteurs qui sont recrutés par mahieddine le temps d'une tournée.<br /> <br /> Dans le répertoire de Salim Halali, il n'y a ni musique classique algérienne ni même ses dérivés comme l'âroubi, le haouzi ou le mahjouz.<br /> <br /> <br />
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L
<br /> <br /> Je vous remercie pour vos arguments qui tiennent tout à fait la route de la suppression du passage incriminé. Ce forum Dafina est la seule source du passage litigieux.<br /> <br /> <br /> <br />